Au vu des critiques qui pleuvent de la part de proches plutôt classés progressistes, il semble que la Nuit Debout a déçu des attentes. Mais il faut se rendre à l’évidence : ce mouvement n’est pas la solution miracle à tous les problèmes de la société. C’est d’ailleurs un des problèmes de ladite société, à savoir attendre des réponses clé en main à des problématiques complexes – un peu comme ce que notre classe politique s’exténue à vouloir nous vendre.
Malgré les espoirs compréhensibles de certains, non, la Nuit Debout n’est pas un énième parti politique qui aurait trouvé la clé du salut de notre société. Elle n’a pas de programme politique, n’a pas de leader et ne présente pas de candidats. Peut-être est-ce cela qui en déroute certains, persuadés que ce mouvement n’a donc pas d’avenir ni d’utilité dans la situation actuelle, condamné qu’il est à dériver doucement mais sûrement vers un sectarisme dont on lui attribue déjà certains vices.
Tout et son contraire
Alors on l’accuse. Tantôt la Nuit Debout est-elle un repaire d’antisémites, tantôt est-elle verrouillée par des militants pro-sionistes ; tantôt on l’accuse de chahuter un agitateur public qui a fait de la provoc son fonds de commerce, tantôt on lui reproche d’abriter en son sein des mouvements d’extrême gauche ; tantôt on souligne le sectarisme de certains participants LGBT, tantôt on moque ses préjugés anti-LGBT ; etc., etc. Par ailleurs, on lance aux jeunes qui signent des pétitions que « ça n’a jamais servi à rien », on interjette à ceux qui défilent lors des manifestations que « ce n’est pas la rue qui gouverne », alors quand vient quelque chose de nouveau, on s’émeut de dégradations perpétrées en marge par quelques violents attirés par le bleu de l’uniforme des CRS – dont les violences, sans commune mesure, émeuvent bizarrement moins –, dont le coût pour la société sera d’ailleurs infiniment moindre que le centième de ce que nous coûte l’indigence de nos dirigeants.
Entendons-nous : la Nuit Debout est née d’une contestation, celle d’une loi d’obédience libérale soutenue par un gouvernement impopulaire et par le patronat français : il est à ce moment naturel que la majorité de ceux qui s’y rendent aient des idées franchement classées à gauche. Au demeurant, les critiques envers la Nuit Debout se font de plus en plus fortes au fur et à mesure qu’elles émanent de personnalités de plus en plus à droite de l’échiquier politique. Ce n’est pas un hasard. Est-ce un marqueur de ce mouvement ? Peut-être, mais c’est secondaire, même si ça a pu en induire certains en erreur.
La forme plutôt que le fond
Si on continue de lire ce mouvement comme on lit un parti politique traditionnel, alors oui, la Nuit Debout fait fausse route, ce n’est pas elle qui va nous sauver, vous pouvez retourner travailler docilement en attendant l’avènement d’un sauveur qui aura la clé de tous nos malheurs.
L’erreur consiste donc à vouloir écouter dans les délibérations des AG des Nuits Debout, partout en France et dans quelques pays d’Europe, ce qu’il en ressort : approbation de telle loi, soutien ou opposition à telle doctrine économique, etc. Le mouvement, né d’une opposition à la société libérale telle qu’on nous la vend à gauche comme à droite, est résolument anticapitaliste. Mais ce n’est pas ça le plus important : la Nuit Debout est avant tout un cadre.
Voir des gens se réunir le soir venu pour discuter, débattre, décider ne devrait pas être un quelque chose d’exceptionnel. Cela devrait être le quotidien d’une société réellement démocratique.
C’est en cela que la Nuit Debout est novatrice et puissante : elle nous pousse à réfléchir à un autre système politique, où les citoyens décideraient de leur avenir face à face dans leurs villes, leurs quartiers, plutôt que de se contenter de regarder à quelle sauce on va les manger au journal télévisé.
Un nouveau paradigme démocratique
Plutôt qu’un mouvement de contestation, la Nuit Debout est un nouveau paradigme démocratique. Une société de consommation de plus en plus individualiste a besoin de gens qui se parlent, qui se voient, et qui décident eux-mêmes de leur avenir.
Le jour où un tel système sera devenu la norme qu’il aurait toujours dû être, alors nous serons, chacun d’entre nous, à la mesure de notre place dans la société, les maîtres de notre propre destin. Tout entrepreneur vous le dira : il est bien plus enrichissant de se planter en pleine responsabilité que de réussir par la main de quelqu’un d’autre. Un peuple qui a son destin en main peut certes commettre des erreurs, mais cela restera ses propres erreurs, et il en fera toujours moins et des moins graves qu’un dirigeant éclairé.
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