Dette grecque : ce que Jean-Michel Aphatie ne vous dit pas

on 2 juillet 2015 | 0 Comment

Dans la bouche de nombreux français et européens, la situation de la Grèce est entièrement due au caractère dépensier de ce pays durant de nombreuses années, et le remboursement de la dette jusqu’au dernier centime serait la seule chose logique à faire. C’est vrai : pourquoi les contribuables français devraient-ils payer pour des Grecs qui en ont profité pendant des décennies. Mais ce raisonnement, en apparence logique et « de bon sens », martelé par les éditorialistes tous les matins sur toutes les radios du pays est totalement erroné. La vérité est très, très différente.

Une dépense publique raisonnable

La Grèce, entre 1995 et la crise de 2008 a vu son pourcentage de dépense publique par rapport au PIB régulièrement baisser pour passer de 51,3 % en 1995 à environ 45 % juste avant la crise. En comparaison, la dépense publique française est restée stable durant cette période, autour de 53 %. En réalité, la dépense publique grecque est sensiblement identique à celle de la vertueuse Allemagne tout au long de la première décennie du 21e siècle. Entre 2000 et 2005, la Grèce a même vu sa dépense publique inférieure à celle de Berlin.

En d’autres termes, la Grèce était plutôt dans la moyenne jusqu’à la crise. Le principal souci du pays réside dans un manque de recettes – beaucoup de sociétés et d’institutions échappent à l’impôt – que d’un surplus de recettes. Le SMIC grec était, par ailleurs, bien inférieur à la moyenne européenne, et les pensions elles-aussi plus basses. Non, les Grecs ne se sont pas vus offrir des baignoires en or massif par l’État pendant des décennies.

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Une dette privée nationalisée

Alors que s’est-il passé lors de la crise ? Le fait est que la plus grosse partie de la dette grecque est née de la crise, lorsque les États européens ont décidé de couvrir les pertes des banques. Pour parler plus clairement : les banques européennes ont joué sur les marchés américains, et elles ont perdu. Pour éviter leur faillite, les États les ont « renflouées », et pour cela, ils ont emprunté. Autrement dit, de riches personnes ont joué au casino, ont perdu, et l’État a emprunté à de très riches personnes pour rembourser les premières. Scandaleux, non ?

Et le scandale ne s’arrête pas là ! Alors que l’État grec, qui a massivement emprunté pour sauver ses banques, menace lui-aussi de faire faillite. Pour que les très riches soient remboursés, les autres États européens – et donc les contribuables européens – ont alors pris à leur compte la dette !

dettes publiques

La réalité de la dette grecque : un tabou ?

Il est sidérant de voir qu’aucun média de grande écoute ne nous explique que finalement, nous avons prêté de l’argent à l’État grec pour qu’il puisse rembourser des très riches qui lui ont prêté de l’argent pour rembourser des riches qui ont joué au casino de la bourse !

Cette dette, insoutenable pour la Grèce, est en prime illégitime. Mais c’est maintenant nous qui devons l’argent, alors que ceux qui ont pris des risques sur les marchés financiers sont, eux, saufs. Et d’ailleurs, ils ont depuis longtemps recommencé à prendre des risques sur les marchés financiers pour gagner encore plus d’argent. Mais ça, vous n’entendrez jamais Jean-Michel Aphatie vous le dire !

Il existe une solution indolore et immédiate au problème de la dette grecque

Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont des économistes prix Nobel de renom : le moyen de régler le problème est tout simplement d’effacer la dette. En effet, depuis janvier 2015, la Banque centrale européenne fait tourner la planche à billets. Ce sont tous les mois 60 milliards d’euros qui sont injectés dans l’économie en contrepartie de rien. Les conséquences d’une telle politique sont, en général, une baisse du cours de la monnaie et une augmentation de l’inflation. En effet : faire tourner la planche à billets a tendance à diminuer la valeur de l’argent.

Mais en réalité, l’euro était tellement fort que sa baisse a été raisonnable – et salutaire pour l’économie européenne – et l’inflation reste désespérément à un niveau quasi nul. La dette grecque est estimée à 312 milliards d’euros : c’est donc moins que le montant qu’a injecté l’Europe depuis le début de l’année ! Un effacement pur et simple de la dette n’aurait donc strictement aucun impact sur l’économie.

Un positionnement purement moral

Mais les gouvernants européens s’y refusent, préférant demander aux Grecs des efforts inconsidérés, qui brisent la croissance économique de leur pays, et de toute l’Europe, pour éviter de « donner le mauvais exemple ». Pourtant, comme le souligne l’économiste Thomas Piketty, un seul pays dans l’histoire a réussi à rembourser une dette aussi colossale pour son économie que la dette grecque : c’est le Royaume-Uni à l’issue des guerres napoléoniennes. Toutes les autres puissances ayant fait face au même problème ont fini, soit par faire défaut – c’est-à-dire ne pas rembourser – soit faire tourner la planche à billets – ce qui revient au même. Et le Royaume-Uni a mis plus de 100 ans à la rembourser, tout en passant du rôle de première puissance mondiale à celui de puissance secondaire dépassée par… la France !

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