Pour changer de la routine en cet été 2013, j’ai invité plusieurs belles plumes, blogueurs, twittos, à contribuer à ce blog en écrivant un billet de 365 mots. Les retours ont été très positifs, au-delà de mes espérances. C’est donc avec plaisir que je vous invite à les découvrir, chaque mercredi en juillet et en août.
Pour cette nouvelle contribution à la rubrique « Invités sur 365 mots », je vous présente Steven Dutartre. Il est un citoyen passionné par les questions institutionnelles, il étudie le droit public et a exercé des fonctions politiques.
Steven Dutartre – la République et la Démocratie : les faux amis
Pour beaucoup, république et démocratie sont des synonymes et pourtant, à l’origine, ce n’était pas le cas. En effet, les promoteurs de la république se méfiaient fortement du peuple et ne pouvaient se résigner à ce qu’il puisse gouverner directement, aussi a été inventé le gouvernement représentatif, encore appelé démocratie représentative afin que le peuple – sans exercer le pouvoir – désigne l’aristocratie chargée de le faire.
Bernard Manin rappelle dans ses « Principes du gouvernement représentatif » que « Madison opposait souvent la ‘‘démocratie’’ des cités antiques où ‘‘un petit nombre de citoyens s’assemblent pour conduire en personne le gouvernement’’ et la république moderne fondée sur la représentation. Il formulait même cette opposition en termes particulièrement radicaux […] [il] ne considérait pas la représentation comme une approximation du gouvernement par le peuple rendue techniquement nécessaire par l’impossibilité matérielle de rassembler les citoyens de grands États, il y voyait au contraire un système politique substantiellement différent et supérieur. » et que « Sièyes, de son côté, soulignait avec insistance la ‘‘différence énorme’’ entre la démocratie ou les citoyens font eux-mêmes la loi et le régime représentatif dans lequel ils commettent l’exercice de leur pouvoir à des représentants élus. »
Il est clair, à la lecture de ce passage, que ne pouvons pas qualifier notre régime de démocratique, pourtant nous entendons sans cesse que la France est un pays démocratique. La question est donc de savoir pourquoi ce qui à l’origine était conçu en opposition à la démocratie a été ensuite qualifié de démocratie ? Le suffrage universel – qui en France ne date que de 1848 et encore masculin – a peut être été l’événement déclenchant de ce retournement, il n’en reste pas moins qu’en principe l’élection n’est pas un mode démocratique de sélection des représentants selon notamment Montesquieu qui opposait élection aristocratique et tirage au sort démocratique dans « L’Esprit des lois ». En conclusion, on peut donc citer Jacques Rancière qui estime qu’ « il n’y a pas de crise ou de malaise de la démocratie. Il y a et il y aura de plus en plus l’évidence de l’écart entre ce qu’elle signifie et ce à quoi on veut la réduire. »
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