Aujourd’hui est un jour historique : la France légalise le mariage et l’adoption pour tous les couples. À circonstance exceptionnelle, billet exceptionnel : il sera double, comportant non pas 365 mots comme à l’accoutumée, mais 730 !
Ça y est, c’est fait ! La loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe est enfin votée. Reste plus qu’à attendre le décret d’application, puis la validation finale du Conseil constitutionnel qui a un mois pour statuer, et les gays et lesbiennes pourront aussi se marier.
En plus d’un an de débats, 110 heures de discussions au Parlement, les arguments des opposants au mariage pour tous ont été mille fois démentis, au point qu’ils n’en opposent plus, se contentant de parler de « peuple qui gronde » ou autres inepties trop grossières pour masquer la faiblesse de leurs raisonnements. Les Boutin, Barjot et autres Le Pen et Copé s’en trouvent réduit à ressasser leurs peurs et leur ignorance, usant des mêmes démonstrations que jadis les opposants à la légalisation du divorce, au droit de vote des femmes, ou encore aux États-Unis, à la légalisation des mariages interraciaux.
La famille ! Les enfants ! Sans l’ombre d’une justification, ils nous prédisent le péril de ces symboles d’une pensée renfermée sur elle-même au point de sentir le rance. Mais rapidement, les motivations réelles de ces gens se sont fait jour : la France qui manifeste est la même qui craignait l’arrivée des chars soviétiques lors de l’élection de François Mitterrand en 1981, c’est la même qui crie à l’effraction à propos de la victoire de Lionel Jospin en 1997. Cette partie de la population, qui refuse que la France soit gouvernée par la gauche, qui considère comme un coup d’État une défaite de la droite, a trouvé le meilleur moyen de contester par la rue une défaite électorale.
Alors pleuvent les « Hollande démission », les « occupe-toi du chômage » qui trahissent les raisons profondes de cette agitation : le rejet de la gauche, du résultat des urnes, de l’existence d’une France qui est différente de la leur, figée dans la nostalgie d’une époque qui n’existe plus.
Aucun argument des « anti » n’a jamais tenu au-delà du fantasme. Aucune dénégation aux accusations d’homophobie n’a jamais tenu plus de cinq minutes de leurs discours. Quand la raison est submergée par la peur de l’autre, rien de bon ne peut émerger, et les outrances de ces derniers jours sont la manifestation de leur faiblesse.
Encore une fois, nous célébrons aujourd’hui une victoire, celle de la raison, de l’amour, et de la joie sur l’obscurantisme, la haine et la peur. Alors vive les futurs mariés !
Et, une dernière fois, reprenons leurs raisonnements, et démontons-les.
Cinq arguments des opposants au mariage pour tous passés à la loupe
Argument 1 : les enfants ont droit à un papa et à une maman
Non, le gouvernement ne va pas arracher des enfants à des couples hétérosexuels pour les placer dans des couples homosexuels. Il n’y a pas d’orphelinats en France, et l’immense majorité des adoptions se fait à l’étranger. Or, presque aucun pays n’acceptant l’adoption par des couples homosexuels, le nombre d’adoptions plénières d’enfants par des couples homos risque de frôler le zéro comme c’est le cas en Belgique depuis que le mariage pour tous existe dans ce pays. En réalité, l’immense majorité des adoptions officialiseront des situations qui existent déjà. La loi ne met pas en danger les enfants : elle les protège en se conformant avec la réalité des choses.
Argument 2 : c’est un changement de civilisation majeur qui risque de faire vaciller la société
Allez expliquer ça aux Canadiens, aux Néerlandais, aux Belges, aux Espagnols et aux seize pays qui acceptent depuis plusieurs années déjà ce type d’union civile sans avoir connu de cataclysme ni aucune des douze plaies d’Égypte.
Argument 3 : un enfant qui n’est pas élevé par un papa et une maman souffre de déséquilibres
Aucune étude ne confirme une telle hypothèse. À l’inverse, de multiples études démontrent, au contraire, qu’il n’y a aucune différence.
Argument 4 : le mariage est une institution ancestrale, il faut en préserver sa nature
Le mariage civil date de 1787. Il a subi de multiples évolutions : laïcisation en 1792, autorisation du divorce la même année, mise sous tutelle de la femme en 1804, suppression du divorce en 1816, qui est à nouveau autorisé en 1885, libéralisation du divorce en 1975. Et la loi ne concerne que le mariage civil, pas le mariage religieux, auquel elle ne touche pas.
Argument 5 : « père » et « mère » seront supprimés du code civil et remplacés par « parents »
Le code civil contient déjà 126 fois le mot « parents » qui a remplacé « père » et « mère » à chaque fois que nécessaire, notamment lors de la suppression de la tutelle de l’homme sur la femme dans l’éducation des enfants.
9 Responses to “Vive les mariés !”
24 avril 2013
Judas PtoléméeArgument 6 : On ment aux enfants en supprimant la filiation.
Argument 7 : C’est la faute au lobby gay. C’est la dictature
Argument 8 : On assassine les enfants
Ils sont tellement grave ces antis…
Merci pour cet article !
30 avril 2013
Holly WileyBien que les expressions « mariage homosexuel » ou « mariage gay » soient souvent utilisées, elles sont inappropriées et ne sont employées dans aucun texte juridique. En effet, ce projet ne concerne pas uniquement les homosexuels et, une fois cette loi promulguée, deux personnes hétérosexuelles de même sexe pourront se marier entre elles. Dans sa décision de 2011, le Conseil Constitutionnel a rappelé que l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe n’était pas anticonstitutionnelle, car elle ne se basait pas sur des mœurs ou sur des opinions mais sur des critères biologiques objectifs. Ainsi, avant la promulgation de cette loi, rien n’empêche dès à présent les homosexuels de se marier, mais ils ne peuvent le faire qu’avec une personne du sexe opposée.
14 mai 2013
Enzo« Allez expliquer ça (changement de civilisation majeur) aux Canadiens, aux Néerlandais, aux Belges, aux Espagnols et aux seize pays qui acceptent depuis plusieurs années déjà ce type d’union civile sans avoir connu de cataclysme ni aucune des douze plaies d’Égypte. »
Pour défendre ta position, tu utilises un argument d’autorité en citant d’autres pays. Premièrement, comparaison n’est pas raison. Pourquoi faut-il imiter d’autres pays? Est-ce que nos cultures sont si similaires que l’on peut voir en eux un modèle? Il n’y a pas qu’une seule ligne de valeurs sur la planète Terre. C’est d’ailleurs le motif officiel des guerres « démocratisante » en Afrique et Moyen-Orient. On juge autrui avec son système de valeurs, mais autrui pourrait tout aussi bien nous juger avec le sien. Généralement le chauvinisme empêche de se remettre en question, c’est l’autre qui se trompe.
Deuxièmement, citer 16 pays ayant adopté le mariage pour les homosexuels, c’est citer 16 pays sur presque 200 dans le monde. Pourquoi ces 16 pays ont-ils raison alors qu’ils sont minoritaires à l’échelle humaine? Est-ce que ce qui est minoritaire a raison de manière absolu ou cites-tu ces exemples parce qu’ils ont raison selon ton point de vue?
Troisièmement, tu dis qu’il n’y a pas eu de cataclysme dans ces pays. Est-ce que cela signifie que tout s’est parfaitement passé, qu’aucun nouveau problème n’a émergé?
Finalement l’obscurantiste sera toujours l’autre, jamais soi-même
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/12/01016-20121112ARTFIG00386–l-etranger-les-accrocs-du-mariage-gay.php
14 mai 2013
Custin d'AstréeBien que partisan du relativisme le plus absolu, vous vous permettez quand-même, en rhéteur que vous êtes, de surinterpréter mes propos pour mieux les contredire.
Pour que les choses soient claires, ce n’est pas parce que seize pays ont adopté le mariage gay qu’il faut aussi l’adopter. Je n’ai absolument pas soutenu une telle chose. Le passage que vous citez souligne simplement que l’expérience d’une telle loi existe à l’étranger, dans quelques pays, où les craintes formulées par les opposants à la loi ne se sont pas réalisées.
Enfin, l’article que vous citez (et dont le lien est corrompu, voici le bon lien : http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/11/12/01016-20121112ARTFIG00386–l-etranger-les-accrocs-du-mariage-gay.php) est totalement hors-sujet (la PMA, la filiation et la GPA ne sont pas concernés par le texte voté), mélange beaucoup de choses, est partial dans sa construction, son ton et son contenu (et rien que sa phrase d’introduction est un mensonge).
Un autre article, très documenté et argumenté, de droit, éclaire pas mal de choses sur les fantasmes qui entourent cette loi. http://www.maitre-eolas.fr/post/2013/05/11/Du-mariage-pour-tous-%283e-partie%29-%3A-apres-la-bataille
14 mai 2013
EnzoQuand les autres extrapolent un futur diabolisé, c’est du fantasme. Quand on extrapole un futur angélisé, c’est de la lucidité.
On frôle le manichéisme. Tout cela ne relève que d’un pari, d’une décision concernant l’esthétique de notre société. Stigmatiser ceux qui n’ont pas confiance en cette loi crée une division se basant non pas sur une discrimination selon l’orientation sexuelle mais selon l’orientation d’une opinion.
Là où l’on peut voir de l’homophobie, moi je ne veux que deux formes de totalitarisme qui s’affrontent.
14 mai 2013
Custin d'AstréeEn tant que linguiste, vous savez plus que beaucoup d’autres que les mots ont un sens. En particulier, le mot « totalitarisme ». L’excès vous discrédite.
14 mai 2013
EnzoÊtre disqualifié par un partenaire de rhétorique avec qui on est en contradiction est tout naturel, puisqu’il y a confrontation de système de valeurs.
Vous m’imposez votre définition du mot « totalitarisme », j’avais pourtant nuancé en disant « deux formes de totalitarisme ».
Le totalitarisme d’une conception du Bien, c’est de juger et condamner ceux qui ne s’inscrivent pas dans la même cause. Tout dépend de quel côté de la ligne on se trouve, donc. De la même manière, les partisans appelleront résistants ceux que les opposants appelleront terroristes. Votre Bien relatif vous fait qualifier des gens d’obscurantistes, alors qu’eux-mêmes voient en l’opposition des obscurantistes.
En refusant de prendre parti, ce que chaque camp voit en l’autre, je le vois pour les deux camps.
1 juillet 2013
herveLEen plus des différentes victoires que vous mentionnez, nous célébrons également la victoire de la légalisation du détournement de fonds publics par la gauche: c’est à dire le financement complet d’un mariage de 2 particuliers par l’argent du contribuable.
Trouvez-vous cela normal, et à vocation « d’apaisement »?
1 juillet 2013
herveLEJe veux bien me laisser convaincre par vos 5 « contre arguments », mais ce qui m’inquiète c’est que les arguments que vous démontez étaient justement ceux qu’on serait censé opposer à des gens qui demanderaient des trucs « pas bien » comme l’élargissement du mariage à la polygamie, à la polyandrie ou au mariage intra-famille ou avec des mineurs consentants ou autre
« – les situations de fait existent déjà, ce n’est pas la catastrophe dans ces pays là, c’est pas une institution si vieille, elle a déjà changé beaucoup, les études ne montrent rien, etc. »
Du coup je me sens un peu « gené » et je ne vois plus vraiment pourquoi on s’est arrêté à deux personnes?
En fait j’aimerais savoir quels sont vos arguments pour dire qu’on ne doit pas marier des couples de 3, 4, 5 personnes, voire meme d’ailleurs une personne seule! Pourquoi elle ne pourrait pas revendiquer d’avoir droit au « mariage » également, un « mariage à un »!
Pourquoi mettre les bornes du mariage là et pas plus loin?