Après le scandale déclenché par l’affaire Cahuzac, les ministres du Gouvernement sont censés déclarer leur patrimoine aujourd’hui, suite à l’annonce d’une série de mesures de la part de François Hollande. Pourtant, ce déballage de transparence commence à agacer, à la fois à droite et à gauche, certains parlant même d’indécence, et force est de constater que les sondés n’ont pas vraiment tout compris à l’affaire, bien aidés en cela par les médias. À tel point qu’un blogueur reconnu se demande si tout cela n’est pas une bombe aux effets dévastateurs.
Alors qu’en est-il ? Est-ce important de savoir que Laurent Wauquiez a 120 € sur son PEA ? De savoir qu’Eva Joly a un kayak en carbone ? Ces informations, sorties de leur contexte, n’ont aucune valeur : la richesse des élus n’intéresse qu’eux, ces informations sont du domaine de la sphère privée. La déclaration systématique des patrimoines, sans mise en perspective – nous y reviendrons plus loin – est dangereuse, car elle présente le personnel politique de la Nation comme une classe à part, une classe dirigeante publique qui n’aurait pas droit à la vie privée à laquelle les citoyens lambda ont droit. Une classe s’approchant de la noblesse d’antan dont la richesse personnelle était du ressort du public.
Le dévoiement de ces déclarations de patrimoine a détourné de son but la nécessaire opération transparence qui d’amorçait en la vidant de son sens. L’objectif n’est pas de vérifier si un homme politique est riche ou non – tout le monde s’en fiche – mais de vérifier si un élu ne s’est pas enrichi entre sa prise de fonction et la fin de son mandat. Ce qui compte, c’est de vérifier qu’un mandat n’a pas été l’occasion d’un enrichissement personnel via la corruption et l’abus de biens sociaux, c’est-à-dire de vérifier si un élu n’a pas profité de son poste pour bénéficier de faveurs de la part de sociétés privées ou s’il n’a pas détourné de l’argent public.
En en faisant trop aujourd’hui, les élus font le pari que, dans quatre ans, au moment des comptes, tout le monde en aura assez de ces histoire et ne leur demandera pas de mettre les deux photos – avant / après – côte à côte. Et quand bien même ils le feraient, on se souvient que la déclaration de patrimoine de Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 avait été bien étrange sans émouvoir grand monde.
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