« Mon adversaire, c’est le monde de la finance ». François Hollande avait prononcé cette phrase lors d’un grand discours tenu au Bourget durant la campagne. Les militants socialistes rassemblés ce jour-là avaient applaudi des deux mains : enfin, un président prendrait des mesures fortes et contraignantes envers le secteur financier, pour que les conditions de la crise de 2008 ne se reproduisent plus à l’avenir.
Les mesures devaient être les suivantes : interdiction de produits financiers jugés toxiques, taxation accrue des activités de spéculation, mise en place d’une taxe sur les transactions financières au niveau européen, et surtout, séparation des activités de spéculation des autres activités de prêt et de dépôt.
Cette séparation, dont l’intérêt est partagé par tous les partis à gauche du spectre politique, a deux objectifs : protéger les petits épargnants d’éventuelles pertes spéculatives qui peuvent très rapidement devenir colossales – on se souvient de l’affaire Kerviel – et éviter de polluer les activités de crédit et de dépôt des banques par des sous-jacents toxiques, comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes . Là où le bât blesse, c’est que le projet du Gouvernement est très timide. Ce n’est pas surprenant : s’attaquer aux banques françaises de la sorte aurait pour conséquence de les priver des moyens de faire face à la concurrence internationale sur le secteur des marchés financiers. Un gouvernement qui prendrait réellement les décisions listées ci-dessus sacrifierait donc ce secteur d’activités, ce qui ne serait pas plus mal. Mais, le Gouvernement l’a rappelé : il ne souhaite pas fragiliser les banques françaises. Mais on ne peut pas être contre les bombes à fragmentation et en fabriquer soi-même.
Lyxor, CACIB, Natixis : ces noms ne vous disent peut-être rien, mais ce sont des filiales de nos grandes banques françaises (Société générale, Crédit agricole, LCL, Banques populaires,…) spécialisées dans… les activités spéculatives. En fait, toutes les grandes banques nationales ont déjà leur filiale spécialisée, justement ce que veut imposer le projet de Pierre Moscovici. Autrement dit, la « réforme » du secteur bancaire ne réformera rien du tout si elle ne sépare pas complètement, hermétiquement, ces deux activités. En tout état de cause, François Hollande devra faire comprendre à ses sympathisants que, contrairement à ce qu’il a laissé entendre, il n’est pas question de réformer la finance. Au risque de devenir schizophrène.
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