L’hebdomadaire satirique paraissant le mercredi, le « Canard enchaîné », vient de publier, comme il en a l’habitude, un extrait de son bilan comptable annuel. Le moins que l’on puisse dire à sa lecture, c’est que le palmipède se porte plutôt bien, avec un bénéfice net de 4,81 millions d’euros, en hausse de 7,6 % par rapport à l’an dernier, représentant plus de 15 % de son chiffre d’affaires.
Les voyants sont donc au vert pour cet ovni de la presse française, qui contrairement à tous les autres, n’est pas la propriété d’un groupe mais celle de ses salariés et de ses fondateurs. En effet, les statuts de la société empêchent toute prise de participation extérieure. Le « Canard enchaîné » est donc totalement autofinancé, et ses seuls revenus viennent de ses ventes – il n’y a aucune publicité dans les pages du journal – ainsi que du placement de son trésor de guerre – aucun dividende n’étant versé, les bénéfices des années précédentes sont systématiquement mis en réserve.
Que peut-on en tirer comme conclusions ? Tout d’abord, le journal satirique est peut-être celui qui se porte le mieux de la presse française : les autres sont en crise systémique et en recherche constante de nouvelles formules, financements, lignes éditoriales, sujets accrocheurs, marronniers vendeurs. Plus largement, ce type de gouvernance indépendante réussit globalement aux entreprises qui y souscrivent : un capital détenu par un actionnariat avec une forte attache – salariés ou fondateurs – sera profitable sur le long terme, car le souci de cet actionnariat sera le développement de l’entreprise plutôt que le profit immédiat sous forme de dividendes ou de plus-value.
On peut mettre ce schéma en parallèle avec un immeuble : des copropriétaires résidants d’un immeuble ont tendance à invertir plus durablement dans leur bien que ceux qui n’y vivent pas. Il en va de même pour une entreprise. La raison de tout cela tient dans l’objectif de ceux qui prennent les décisions, à savoir les actionnaires : plus l’actionnariat est attaché à la société qu’il détient, plus ses ordres iront dans le sens d’un développement de la société. À l’inverse, un actionnariat anonyme, fortement volatile, exercé via des fonds de pension d’un autre pays, n’aura qu’un objectif : rentabiliser son investissement. Peut-être nos gouvernants devraient-ils creuser de ce côté-là s’ils veulent sauver notre industrie ?
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