On dit que l’homme est un animal doué d’intelligence. C’est peut-être vrai, mais il n’en reste pas moins un membre éminent du règne animal, toujours prompt à interagir avec son environnement avec passion, mettant de côté une raison un peu trop enquiquinante.

C’est pour cette raison que j’avais déjà pu expliquer la facilité avec laquelle la droite, en ce début de siècle, pouvait exposer à un électorat réceptif des idées et éléments de langage convaincants, en tous cas plus convaincants que ceux de la gauche.

Le dernier exemple en date de ce phénomène est la pétition agrémentée d’une vidéo (qui d’ailleurs, ô surprise, ressemble à celle-ci) publiée par un mystérieux Institut pour la Justice (IPJ) et faisant un ramdam conséquent sur la toile, et en particulier sur Facebook. Cette vidéo donne la parole à un père de famille victime des lenteurs de la justice suite au meurtre de son fils. La douleur de ce père est compréhensible, mais elle fait suite très rapidement à un discours politique qui invite à signer une pétition pas franchement liée au message initial. Suite à cet engouement, un célèbre blogueur avocat, Maître Eolas, a publié sur son blog un long billet sur lequel il explique point par point, sources à l’appui, que le discours du père, empreint d’émotion, est inexact, et que les préoccupations de l’IPJ sont loin d’être innocentes.

Face au discours émotionnel du père, couronné de succès, le discours rationnel et argumenté de l’avocat passe beaucoup moins bien. C’est de l’ordre du grand classique : l’homme donne beaucoup plus de crédit à l’émotion d’un père qu’au propos didactique – et même qualifié de péremptoire – d’un avocat. C’est pour la même raison que nous sommes des milliers à aller au cinéma pour voir des films d’action, des comédies, des drames, plutôt que pour voir des conférences scientifiques sur la théorie des ondes gravitationnelles.

C’est également pour les mêmes raisons qu’un discours simpliste qui désigne un bouc émissaire dont la simple élimination sera une solution à un problème donné aura beaucoup plus de portée qu’un discours qui consiste à dire que les choses ne sont pas si simples.

Malheureusement, les choses sont complexes, et céder à la facilité c’est s’assurer que le problème nous reviendra dans la face décuplé quelques temps plus tard.