Les vagues mélancoliques l’emportent nos crises de nerfs, les noient et en font de la résignation : s’indigner est un bien difficile métier qui demande un effort de chaque instant.
Heureusement, nous sommes aidés au quotidien, surtout si on vit en ville, car il suffit d’ouvrir les yeux, les oreilles et le cœur pour voir à quel point on n’est pas sorti de l’auberge.
En faisant le trajet travail – domicile l’autre soir j’ai reçu six sollicitations différentes de six désœuvrés différents qui me réclamaient, avec mon air de jeune qui ne manque de rien, de quoi se nourrir, acheter leur bouteille de rouge qui tache, ou se fournir auprès de leur dealer favori. Six en moins d’une heure, qui m’ont accosté avec insistance.
Arrivé dans mon deux pièces dont le loyer représente trente pour cent de mon revenu, enjambant le seau censé retenir les gouttes qui tombent de mon plafond et passant devant la télé sans y prêter attention, j’allume mon ordinateur qui plante une fois sur deux mais dont le SAV n’arrive (n’essaye ?) pas à trouver la panne et lis, avec stupéfaction, qu’un suppôt du gouvernement, déterminé à défendre les pauvres français qui souffrent, avait enfin pris les mesures pour lutter contre les indignes prières de rue.
Le soulagement ne s’arrête pas là, car ce fut au tour de l’omnipotent quinquennal de nous rassurer également sur les projets d’avenir qu’il a pour le pays : citoyens, ne craignez plus rien, même si vous manquez de ferraille dans les poches nous ne manquerez pas de taules : un grand programme immobilier pénitentiaire est prévu. Je me dis qu’après tout, si les innocents n’arrivent pas à se loger dans la capitale ils pourront toujours devenir coupables !
D’ailleurs, nous le sommes déjà, coupables, par manques d’efforts, nous, ingrats face à une économie qui nous a tout donné, face à des marchés financiers qui nous ont fait confiance et que nous trahissons aujourd’hui, face à des grands dirigeants qui ont honte de notre petitesse. Nous nous rabaissons à ne nous soucier que de notre petit confort quotidien, nos allocations indues, nos remboursements immérités, nos aides fraudées. Mais qu’attendons nous pour consommer ?
Notre Guide, le Sauveur de Benghazi, le Grand Rédempteur de la finance folle, le Guérisseur de l’Europe, doit bien se demander ce qu’il a fait pour mériter un peuple pareil.
Photo AP Photo/Philippe Wojazer, Pool vue sur LeMonde.fr
4 Responses to “L’Odyssée d’un con”
16 septembre 2011
TassinJ’aime le ton, grinçant comme il faut!
16 septembre 2011
CustinMerci beaucoup !
17 septembre 2011
PascaleBon ça y est: je me suis abonné à 365 mots pour entretenir mon esprit caustique.
Je ne fais jamais « d’intertextualité » sans citer mes sources mais il va être difficile de ne pas intégrer tes mots qui font mouche, dans mes propres pensées.
Merci @custinda
17 septembre 2011
CustinC’est typiquement le genre de commentaires qui fait ultra plaisir ! Merci beaucoup.