Le privé est-il plus efficace que le public ?

on 30 septembre 2011 | 14 Comments

Quand on parle d’État et d’entreprises publiques, les libéraux en viennent souvent à affirmer, l’air entendu, et sûrs d’eux, comme s’il s’agissait d’une évidence, d’un axiome, « qu’une entreprise privée est plus efficace qu’une entreprise publique ». Est-ce si évident que ça ?

Pub SNCF

Pour comprendre de quoi on parle, il faut s’intéresser aux buts et objectifs d’entreprises publiques ou privées. Ainsi, on pourra mesurer leur efficacité à la façon dont elles atteignent ces objectifs.

L’objectif d’une entreprise privée, on l’a déjà dit, est de faire un maximum de bénéfices. Ce bénéfice sera, en fin d’exercice, soit réinvesti, soit distribué via des dividendes aux propriétaires de l’entreprise, à savoir les actionnaires. Pour atteindre cet objectif, la direction va donc s’acharner à réduire les dépenses et augmenter les recettes. La contrainte principale qui pèsera sur l’entreprise privée sera la concurrence.

Quel est, maintenant, l’objectif de l’entreprise publique ? Il n’est pas de faire du bénéfice, car son propriétaire, l’État, ne lui donne pas cette vocation. Son but est en fait de rendre le meilleur service à ses usagers pour un coût d’utilisation minimal. La contrainte est la pression des citoyens pour un meilleur service, un coût d’utilisation et des impôts moindres. La direction d’une entreprise publique devra dong jongler entre qualité de service et budget à respecter.

Ainsi, il est faux de dire qu’une entreprise privée rend un service meilleur et moins coûteux qu’une entreprise publique : l’arbitrage n’est simplement pas le même. Côté prix, le privé tendra à facturer à ses clients celui du marché. Le public, lui, facturera à ses usagers le prix coûtant d’un service acceptable et de qualité.

Par conséquent, pour un même service, le prix « public » pourra être plus ou moins élevé que le prix « privé », ce qui pourra induire en erreur nos amis libéraux. Le service public implique en effet une contrainte de péréquation que le privé ne se gênera pas à abandonner. C’est ainsi que, passant du public au concurrentiel, la SNCF a de plus en plus tendance à abandonner les lignes peu fréquentées, car peu rentables. Et je constate également la grande difficulté de nombreux ruraux à avoir l’ADSL : un réel service public d’Internet aurait couvert l’ensemble du pays, mais aurait fait payer à tous un abonnement plus cher.

Il faut donc juste savoir ce qu’on veut.

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14 Responses to “Le privé est-il plus efficace que le public ?”

  1. 1 octobre 2011

    brivanedecampe Répondre

    interessant article mais,pardon, qui le signe?

  2. 3 octobre 2011

    Rocou Répondre

    Il me semble nécessaire de tenir compte de certains éléments omis du billet.

    1- Le personnel du public, la direction notamment, n’investit pas son propre argent. Une entreprise publique mal gérée ne coule pas, elle est renflouée ou subventionnée par l’Etat.
    A contrario, une entreprise privée qui coule, entraîne la ruine de ses propriétaires.
    C’est à mon sens, un puissant motif de responsabilisation.

    2- Le but d’une entreprise privée est de faire du profit. Le maximum de profit. Pour réaliser ce profit, il faut des clients. Pour attirer et fidéliser des clients, il faut offrir le meilleur service possible au moindre coût.
    A contrario, une entreprise publique n’a pas de client. elle a des usagers. Une entreprise publique n’a pas besoin d’innover ou d’offrir un service hors pair puisque les usagers n’ont pas le choix.
    C’est la raison pour laquelle, l’Etat n’autorise jamais de concurrence, l’entreprise publique possède un monopole ou le marché est ultra-réglementé en faveur du public (cf l’ouverture ultra-bridée du chemin de fer)

    Cela dit, cette vision est très discutable lorsque nous avons affaire à des entreprises privées, sous concession d’Etat et sous monopole. (à l’instar des concessions d’autoroute). Là, il faut reconnaitre que le privé n’est pas mieux que le public. Parfois, c’est pire.

    • 3 octobre 2011

      Custin Répondre

      Pour répondre à vos points car ils me paraissent contestables :
      1. Concernant la gouvernance, j’ai un argument contraire au vôtre. Les actionnaires sont motivés en grande partie par une rentabilité à très court terme, et non à long terme. Ce qui impose à la direction de prendre des mesures en ce sens, pas forcément judicieuses et stratégiques pour le développement à long terme de l’entreprise. On a vu plusieurs exemples en ce sens ces derniers temps. Finalement, ce sont encore les entreprises familiales qui s’en sortent le mieux. Donc votre motif de responsabilisation me semble secondaire. A contrario, les entreprises publiques peuvent plus facilement mettre en oeuvre des politiques à long terme. De plus, le fait de penser qu’une entreprise publique sera renflouée ad vidam aeternam est une idée reçue : les entreprises publiques doivent rendre des comptes sur leur gestion et ont été rarement dans le rouge en 40 ans.

      2. La satisfaction du client par le qualitatif n’est qu’une façon d’augmenter son chiffre d’affaire. La plupart des entreprises misent plutôt sur des prix bas au détriment de la qualité. Au contraire, des grandes entreprises publiques comme EDF, SNCF ou France Télécom avaient une véritable culture de la qualité de service. Pour les agents EDF, la continuité du service était une véritable fierté à la limite du dogme. La recherche du profit va à l’encontre de cette recherche de qualité (sauf dans le secteur du luxe). Si l’Etat n’autorise pas de concurrence, c’est que de par la mission de service public, le marché est faussé, car, comme je l’ai expliqué dans le billet, une entreprise publique ne vend pas au prix du marché mais au prix coûtant d’une qualité de service recherchée.

      • 3 octobre 2011

        Mathieu Répondre

        Pour répondre :
        1. Une entreprise privée n’a pas forcément d’actionnaires. Quand bien même, ceux-ci sont les propriétaires de cette entreprise. S’ils ont une vision court-termiste dommageable à l’entreprise, celle-ci va disparaître à la longue. Les clients iront ailleurs. Et c’est très bien ainsi.
        L’entreprise publique mal gouvernée ne risque rien. De toutes façons, les impôts sont là pour apporter de l’argent.

        2. Arbitrer entre prix et qualité de service, c’est ce que nous faisons tous. C’est pour cela qu’il y a plusieurs niches économiques du low-cost au luxe. Qu’il y a une seconde classe et une première classe à la SNCF. La qualité a un coût. Et parfois, ça ne vaut pas le coup. Si le prix coutant d’une qualité de service est supérieur à ce quelqu’un est disposé à payer, pourquoi le lui imposer ?

        • 3 octobre 2011

          Custin Répondre

          Parce que sinon Madame Michu qui habite au fin fond de la Creuse ne pourra pas bénéficier d’un service qu’on peut considérer comme devant être accessible à tous. D’où les prix élevés des forfaits bas débit pour les habitants des zones non dégroupées. Il s’agit d’un concept que les libéraux ont du mal à intégrer : la solidarité nationale.

          • 3 octobre 2011

            Mathieu

            C’est délicat, déterminer ce qui doit être accessible à tous. N’est-il pas préférable de laisser chacun arbitrer ce qui doit lui être accessible ?

            C’est étrange, vouloir donner à la campagne tous les avantages de la ville. Vous voulez que l’immobilier y soit au même niveau aussi ?

            Les libéraux savent faire preuve de générosité. Ils n’aiment pas en revanche que quelqu’un décide ce qui doit être bon pour les uns avec l’argent des autres.

          • 4 octobre 2011

            Chevalier

            Bonsoir,

            « Il s’agit d’un concept que les libéraux ont du mal à intégrer : la solidarité nationale. »
            Oui et non. Non parce que c’est un concept vague et fumeux. Oui parce qu’on sait très bien à quoi ça mène.

            « Les actionnaires sont motivés en grande partie par une rentabilité à très court terme, et non à long terme. »
            Les actionnaires ont un capital à conserver. Je rejoins Mathieu là dessus.

            « Madame Michu qui habite au fin fond de la Creuse »
            Madame Michu habite au fond de la Creuse a sûrement de très bonnes raisons d’y habiter. Elle a fait l’arbitrage entre des avantages et inconvénients, qui sont relatifs à chacun de nous. Doit-on aussi lui payer un hypermarché ?

            « La plupart des entreprises misent plutôt sur des prix bas au détriment de la qualité. Au contraire, des grandes entreprises publiques comme EDF, SNCF ou France Télécom avaient une véritable culture de la qualité de service. Pour les agents EDF, la continuité du service était une véritable fierté à la limite du dogme. La recherche du profit va à l’encontre de cette recherche de qualité (sauf dans le secteur du luxe). »
            Si c’est le cas c’est parce que le client n’a pas besoin d’une grande qualité de service, et toutes les ressources affectées à un service de grande qualité sont gaspillées. Le client recherche le meilleur rapport qualité/prix. Si un service publique lui fourni une qualité démesuré, il reçoit la facture noyée dans ses impôts.
            Ensuite, je me permet de douter que ce soit le cas. Le monde ne se divise pas entre le « luxe » et le « pas luxe ». Dans la rue je ne voie pas qu’uniquement des Dacias et des Porsches.

            Là encore, le client fait un arbitrage entre ses envies avec les moyens dont il dispose.

            « Ok, laissons aux non-citadins le choix, de toute façon c’est leur porte-monnaie. Alors, préfèrent-ils payer moins cher ou plus cher ? Wah, que c’est compliqué à déterminer… »
            Wah quelle brillante réflexion. L’argent gratuit c’est top et pas compliqué !

  3. 3 octobre 2011

    m0utarde Répondre

    En réponse à Mathieu : Ok, laissons aux non-citadins le choix, de toute façon c’est leur porte-monnaie. Alors, préfèrent-ils payer moins cher ou plus cher ? Wah, que c’est compliqué à déterminer…

  4. 4 octobre 2011

    Custin Répondre

    Vous êtes quand-même très forts les libéraux : vous avez (enfin pas vous, mais les penseurs auxquels vous vous référez) construit une théorie de la mort qui tue pour justifier qu’on ne touche pas à vous sousous.

    Juste un truc : votre théorie elle est béton, ça marche nickel tout ça jusqu’au moment où on se rend compte qu’il y a une variable qui ne fonctionne pas dans votre équation : l’homme (avec un grand « h »).

    En effet, pour reprendre l’exemple de Mme Michu qui habite dans la creuse et qui fait un arbitrage entre vivre à la campagne sans le téléphone et vivre en ville avec l’ADSL, le problème est qu’elle ne le fait pas l’arbitrage. Pourquoi ? Simplement parce qu’elle est humaine. Et l’homme ne fait pas d’arbitrages à longueur de temps entre ses intérêts économiques et de confort.

    Non, Mme Michu elle a toujours vécu dans la Creuse, et elle aime la Creuse. Toute sa famille y vit dans la Creuse, et elle aime sa famille. Alors Mme Michu n’a aucune envie de bouger à Paris. Pourtant Mme Michu, elle aime aller sur le net à toute vitesse, alors je pense qu’elle vous emmerde profondément.

    Vous êtes mignons…

  5. 5 octobre 2011

    Chevalier Répondre

    « pour justifier qu’on ne touche pas à vous sousous. »
    Nous y voilà. D’autres lieux commun à balancer ?

    « Juste un truc : votre théorie elle est béton, ça marche nickel tout ça jusqu’au moment où on se rend compte qu’il y a une variable qui ne fonctionne pas dans votre équation : l’homme (avec un grand « h »). »
    Pourtant tout repose sur lui. Vraisemblablement vous avez une méconnaissance assez importante du libéralisme.

    « Pourquoi ? Simplement parce qu’elle est humaine. Et l’homme ne fait pas d’arbitrages à longueur de temps entre ses intérêts économiques et de confort.  »
    À longueur de temps sans doute pas.

    Vous n’avez apparemment pas saisi le sens de mon post précédent. Chaque homme est différent (on est bien d’accord), et les intérêts économiques sont propres à chaque homme. Si tel n’était pas le cas, nous vivrions tous au même endroit de la même manière.

    Mme Michu fait un arbitrage entre ses avantages (vivre avec sa famille, de ses amis, sur le lieu de son enfance, au milieu de la nature etc.) et les désavantages (adsl absent ou disons cher). Mme Michu estime qu’elle vit plus heureuse avec sa famille que si elle avait l’adsl pas cher. Oh, elle ne se pose pas la question tous les matins lorsqu’elle ouvre ses volets. Seulement son choix est bien là, implicite. On fait beaucoup de choix de manière machinale, qu’on pourrait sans doute optimiser en y réfléchissant, mais dans la direction de ce choix on ne se trompe que rarement.

    • 5 octobre 2011

      Custin Répondre

      Dans tous les cas, M. Chevalier, je vous remercie de votre participation au débat.

  6. 7 octobre 2011

    bernard Répondre

    Ah bon une entreprise privée n’est jamais financée par des capitaux publics et coule toujours en cas de mauvaise gestion? Combien nous ont coûté (et nous coutent encore) les banques? Après avoir fait des bénéfices pendant des années au profit des actionnaires … il a fallu que le contribuable mette la main au porte monnaie pour les sauver de la faillite et quelle récompense en a t’on eu? RIEN ou pas grand chose, pas même des prêts à des intérêts avantageux.
    En plus, je fais gagner de l’argent à mon banquier mais bizarrement, à 16h30 la banque est fermée le vendredi et les conseillers pas forcément agréables. Très souvent, le privé nous fait croire qu’il s’occupe de nous, qu’il est là pour nous, ce n’est qu’une illusion car dès qu’on a plus d’argent ,ou qu’ils sont en position de monopole ou de quasi monopole le privé nous oublie. En contestant le prix d’un ticket de bus en Angleterre, on m’a répondu que si je n’étais pas content, je pouvais prendre toujours ma voiture (que je ne possédais pas encore à l’époque) donc pas le choix, il a bien fallu que je paie 5 euros pour 10 minutes de trajet dans un bus minable, vous parlez d’un service et la France est en train de suivre ce chemin…
    Même si le service public est onéreux, il nous offre un « package », je suis malade et je dois être hospitalisé 3 fois et prendre des médicaments coûteux: je ne débourse rien… Je perds ma carte d’identité, j’en obtiens une nouvelle gratuitement, je suis en danger, j’appelle la police…

    De plus, il faut arrêter de dire que le fondement de la vie, ce sont les relations économiques. Il en faut bien sûr car nous devons échanger des biens, des services mais est ce que cela est important au point de nous obséder sans cesse? Combien de gens passent leurs vies à éplucher les catalogues pour trouver les « meilleures » offres, à comparer les grandes surface, est ce ça la vie? On va me répondre « mais c’est leur liberté de faire ça », ce n’est pas une liberté… c’est un conditionnement, à force de vivre là dedans, on en oublie presque qu’il n’y a pas que ça dans la vie: la solidarité, l’amitié, le don de quelque chose juste pour faire plaisir, un vivre ensemble qui fait du bien, chacun avec ses forces et ses différences. Nous avons tous droit à la sénérité que nous procure le service public que nous finançons à travers nos impôts et diverses cotisations sociales.

    De toute façon, il faut arrêter la querelle public/privé et prendre de la hauteur, ce sont deux projets de société différents qui défendent deux visions de l’homme… Pour moi les deux peuvent coexister mais de manière modérée, les entreprises stratégiques doivent être confiées à l’état, le privé sous toute ses formes doit exister car on en a besoin mais ne doit pas pouvoir faire tout ce qu’il veut, il doit aussi participer au financement de notre société, les profits seront moindres mais existeront tout de même, il faut juste ne pas être trop vorace…

    • 7 octobre 2011

      Custin Répondre

      Je suis Custin d’Astrée et j’approuve ce message !

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