L’été, quand les cadors de l’UMP sont en vacances avec bobonne, c’est le moment pour ceux qui n’ont jamais droit à la parole, les troisièmes couteaux, de sortir de leur réserve pour balancer quelques sujets de mini polémique à des journalistes en mal d’actu.

Cette fois-ci c’est le député de la Loire Paul Salen qui s’y colle avec son idée d’inscrire dans la loi la possibilité de donner des RTT à un collègue dans le cas où l’enfant de celui-ci serait gravement malade.

D’emblée plusieurs commentateurs se sont réjouis de cette proposition : comment peut-on être contre la solidarité avec des enfants qui meurent ? Mais instinctivement, je me suis dit : « je ne sais pas pourquoi, mais ça me semble être une bonne connerie ça ». Bon déjà, qu’un député UMP trouve grâce à nos RTT en expliquant qu’ils sont indispensables et même insuffisants dans certains cas est un bonheur, mais quand-même…

Alors je me suis penché sur la législation existante. La presse ne se met pas d’accord sur la portée de la proposition du député : certains affirment que « le don de RTT [sera] bientôt légal » d’autres qu’il sera bientôt « encadré par la loi » ou encore « bientôt autorisé par une loi ».

En fait, celui-ci était déjà prévu par la loi sur le pouvoir d’achat (2008) mais la disposition a cessé d’exister au 31 décembre 2010 suite à des abus. Cette pratique existe depuis longtemps même si elle n’est pas encadrée par la loi : par exemple une dame qui a reçu 65 RTT de ses collègues pour se rendre au chevet de son mari malade, un homme qui en a reçu 170 pour accompagner un enfant cancéreux…

Il est donc déjà possible de le faire, en cas d’accord d’entreprise. Mais cela ne peut être une solution : ce n’est pas à des personnes privées de combler les lacunes de notre solidarité nationale. Ce n’est pas à des gens qui travaillent d’être privés de leur juste et maigre rétribution parce que leur entreprise n’a pas fait le geste elle-même. Bref, après l’entrepreneur qui paye la cantine des enfants de chômeurs scolarisés à Thonon-les-Bains et que le maire ne veut plus financer, c’est un pas de plus vers la privatisation du social : la charité chrétienne chère à la droite conservatrice !

Photo Le Progrès

Alors en cadeau on pourra vous donner, avec l’aide de Julie, quelques petites scénettes qui pourront arriver suite à l’application de cette loi.

Scénette numéro 1 : son enfant est malade, Victor Lambert souhaite prendre 3 jours anticipés car il n’a plus de solde de RTT. Conversation avec son patron :

–          Mais Lambert, vous n’y pensez pas ! Vous croyez que notre entreprise roule sur l’or ? Franchement, vous avancer trois congés est impensable !

–          Mais patron, quand je devais travailler le week-end pour finir le dossier Alpha je n’ai jamais demandé à récupérer…

–          Écoutez Lambert, ça suffit ! Si vous ne réussissez pas à faire votre travail pendant votre temps de travail ce n’est pas le problème de la société, c’est votre problème. Et ce n’est pas le sujet. Pour vos RTT anticipés, c’est niet. Vous avez qu’à demander à vos collègues de vous en donner.

Scénette numéro 2 : dans le cabinet du ministère du travail, les syndicats négocient certaines améliorations du congé paternité.

–          Monsieur le Ministre, nous devions également parler de l’extension du congé paternité…

–          Ah non, on ne va pas revenir là-dessus, de toute façon, voyez, les collègues peuvent se donner des RTT. Donc cette question n’a plus lieu d’être ! Hmurph hmurph hmurph. Francine, apportez-nous une tasse de café, vous voudrez bien ?

Scénette numéro 3 : Maurice Meunier vient de perdre sa femme et ses trois enfants dans un accident de voiture. Il demande, exceptionnellement, à son patron la possibilité de prendre une semaine, mais n’a plus de droits à congés.

–          Écoutez Meunier, je comprends votre douleur et vous présente mes sincères condoléances. Mais vous avez un projet à terminer et la Sogecma compte beaucoup dessus. Quand je vous ai embauché je croyais que vous étiez quelqu’un au tempérament fort ! Vous me décevez Meunier !

–          Mais Monsieur, j’ai tout perdu, ma femme, mes enfants…

–          Allons, il vous reste une grande famille, la Sogecma ! Je suis sûr que vos collègues se feront un plaisir de vous aider dans ces moments difficiles !