Il y a en Seb Musset la malice et l’observation d’un Boris Vian dans ce Perverse Road que l’on pourra inscrire dans la liste des peu nombreux bouquins qui m’auront tenu l’attention aussi profondément. Lu d’une traite, à en empiéter sur mon sommeil, et ce malgré une richesse linguistique à provoquer un claquage neuronal chez le plus aguerri des amateurs de Marc Lévy, cette chronique d’une guerre sainte actuelle est une édifiante esquisse de la merde dans laquelle nous sommes empêtrés.
Tout débute par une exploration épique du comportement des fidèles de ce temple de la grande consommation que l’on appelle hypermarché. Comment ne pas être honteux devant la description méticuleuse de notre asservissement volontaire face au grand capital ? En lisant Seb Musset, on a envie de réagir, de se dire qu’on n’est pas comme ces autres qui suivent le troupeau de la dépense sans compter, mais dont les sirènes sont tellement aguichantes. On en vient à réfléchir à la vie de bohème qu’on aurait pu avoir si on avait eu la volonté nécessaire pour résister aux tentations des promesses exquises et graduelles de l’accomplissement matériel.
Dans ce roman d’une rare qualité nous voyageons au gré des atermoiements de ce baroudeur anticonformiste, entre la France rurale en voie de rurbanisation, la jungle londonienne et le rouleau compresseur parisien. La comparaison donne le vertige, à tel point qu’on se rend compte que la gangrène du fric et de l’exploitation des masses est absolument partout, jusqu’au coin le plus reculé du plus paumé des trous du cul du monde. Perverse Road est le négatif de La Carte et le Territoire de Houellebecq : au lieu de constater le délitement d’une France cantonnée au rôle de parc touristique géant, Seb Musset nous donne les clefs d’un réveil salvateur.
Effets collatéraux de l’ouvrage, vous aurez certainement envie de dire merde à votre patron, d’embrasser votre épicier, de ne pas acheter le dernier home cinema HD ready de vos rêves, de vous contenter de moins mais mieux. Décroissant par nature, Perverse Road est le type même de bouquin qui fait réfléchir longtemps après en avoir lu la dernière ligne. C’est la version romanesque d’Imagine de John Lennon : fondamentalement subversif.
1 réponse to “Les délices de la sédition”
6 juin 2014
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