La blogosphère regorge de perles dont vous pouvez trouver un extrait dans ma sélection de liens présents sur ce site. Certains de ces blogs sont très orientés politiquement, et sont tenus soit par des gens qui divulguent clairement leur identité – souvent des gens publics – soit des gens qui souhaitent garder l’anonymat.

J’ai souvent vu lors de polémiques ou de débats mal engagés des gens reprocher à leurs contradicteurs leur anonymat. Cet argument arrive assez vite en général, lorsque le débat est animé, un peu comme un itinéraire bis vers le point Godwin. En effet, les anonymes se voient critiquer leur soi-disant lâcheté, leur manque de courage, comme si une dialectique était plus vraie en étant dite à visage découvert. Pourtant, faites chez vous l’exercice : placez-vous devant un ami et prononcez : « un plus un égale deux ». Maintenant, refaites la même expérience, mais en appelant un ami en numéro masqué et en changeant votre voix : « un plus un égale deux ». Alors ? Est-ce que la seconde fois que vous avez prononcé cette phrase, elle était moins vraie que la première fois ?

On est donc d’accord : un argument prononcé de manière anonyme a autant de valeur démonstrative qu’un argument prononcé non caché. Balayer l’explication de votre adversaire sous prétexte qu’il ne souhaite pas dévoiler son identité n’est donc pas recevable. Cela relève plutôt d’une longue tradition chrétienne du « je n’ai rien à me reprocher alors pourquoi me cacher ? »

Alors si c’est la même chose, pourquoi rester anonyme ? Non, ce n’est pas par couardise, ni par pleutrerie, les anonymes des blogs et des réseaux sociaux ne sont pas des êtres maléfiques terrés qui cherchent à répandre l’infamie parmi la civilisation. S’ils cachent leur identité, c’est tout simplement pour être totalement libres. Il est très facile d’être en pleine possession de sa liberté d’expression lorsqu’on est homme public, politique, de lettre ou étudiant. Mais quand on est salarié, du public ou du privé, on ne peut faire autrement que d’exercer un devoir de réserve.

Combien de personnes se sont déjà fait licencier parce qu’elles ont critiqué leur direction ? Combien se sont fait placardiser pour avoir émis une opinion politique qui ne plaisait pas au supérieur ? Alors par pitié, respectez les anonymes.