Cet inconnu-ci est plus jeune que les précédents. Peut-être neuf ou dix ans. Il n’est d’ailleurs pas seul mais accompagné de quatre de ses semblables. Leur excitation est plus que palpable, leur niveau sonore élevé, très élevé. Ils n’ont manifestement pas l’habitude de prendre le métro.

Déjà, leur entrée était théâtrale. Bien qu’ils fussent depuis trois minutes sur le quai, ils hésitèrent à entrer dans le train. Il a fallu que celui qui tient vraisemblablement le rôle du leader prenne les devants en entrant et en encourageant les autres à le suivre. Pour faire bonne figure, ceux-ci usèrent de diverses tactiques. Les deux premiers faisaient mine de mater une blondasse qui passait par-là. Le troisième feignait de douter du bien fondé d’entrer dans ce train compte tenu de leur destination commune. Le quatrième larron fit mine d’attendre les trois autres avec agacement.

Une fois à l’intérieur, comme dit plus haut, le volume sonore monta de plusieurs crans. Maman et papa avaient certainement autorisé les cinq jeunes à prendre le métro, ce qui devait constituer une première, du moins tous ensemble. Personne d’autre qu’eux ne parlait dans cette voiture, pourtant ils le faisaient presque en criant. On sentait en eux l’adrénaline, l’agitation de ceux qui vivent une expérience nouvelle, celle-ci consistant à prendre le métro.

Conformément aux attentes de l’assistance, leur sortie fut aussi précipitée que leur entrée. Pourtant, dès le début, tout le monde avait compris qu’il fallait sortir à Pyrénées. Ils l’ont au moins répété cinquante fois. Mais au dernier moment, le leader de la bande suggéra de sortir plutôt à Place des fêtes. La discussion augmenta alors d’un décibel supplémentaire, le reste du groupe n’étant pas du tout d’accord, mais quand-même dans le doute car bon c’est pas n’importe qui qui le dit mais le leader.

La panique était à son comble à l’arrivée du train à Pyrénées. Trois membres sur cinq étaient toujours décidés à descendre quand les deux autres voulaient rester. Les trois rebelles sortirent sur le quai à l’ouverture des portes en haranguant leurs camarades, restés à l’intérieur. Il se passa un bref instant où tous se turent, puis les trois rentrèrent à nouveau dans la rame. C’est là que je quittai ce petit groupe et cette station de métro.