Cet inconnu-là n’est pas franchement agréable à regarder. Et il n’est carrément pas du tout agréable à sentir. Pas besoin de s’approcher de lui pour s’en rendre compte : lorsqu’il entre dans la voiture du métro, un petit ballet se met immédiatement en place entre les autres occupants de la rame.

Un petit ballet typique mais qui surprend toujours ceux qui ne sont pas habitués à la situation. C’est vrai que ce genre d’inconnus se rencontre rarement en heure de pointe : il se déplace plutôt la journée ou assez tard le soir, et encore plus souvent le matin entre 10 heures et midi. Le mécanisme est le suivant : avant que le métro n’arrive dans la station, l’inconnu se trouve donc sur le quai. Il peut, au choix, être complètement apathique et avachi sur un des sièges, ou bien être tout simplement assis et proférer des propos véhéments et parfois graveleux contre le monde, la société, le Gouvernement, ou tout simplement les gens qui se trouvent autour de lui. De temps en temps, mais surtout le matin, quand il n’est pas encore trop aviné au point d’être assommé par l’alcool, l’inconnu peut également faire les cent pas dans la station et agresser verbalement les usagers – les agressions physiques sont rares. Loin de céder à une généralisation, il faut quand-même reconnaître que l’inconnu de ce genre est très majoritairement apathique et silencieux.

Arrive le métro. Il entre très lentement, cherche une place assise, et s’il n’y en a pas, tente de ressortir. S’il est trop tard pour ressortir, il aura tendance à prononcer quelqu’insulte contre la porte qui ne veut pas se rouvrir, puis il trouvera une place assise, les autres usagers ayant fui un peu plus loin. En effet, comme dit plus haut, l’usager du métro de type marginal sent très mauvais. À tel point qu’à la station suivante, vous pourrez apercevoir les autres usagers sortir de la voiture et monter dans la suivante. Vous verrez également les gens qui attendaient sur le quai faire un pas à l’intérieur puis immédiatement ressortir et se diriger précipitamment vers une autre voiture.

Arrivé à destination – choisie certainement au hasard lors de son trajet –, l’inconnu sort et attend sur le quai, toujours avachi sur un siège, avant de reprendre le métro quelques heures plus tard.