Elle doit avoir à peu près la quarantaine, ou peut-être moins : ses traits sont tirés et ça la vieillit. Elle a le type méditerranéen, est un peu enveloppée, et parle à sa voisine, certainement une amie proche, du même âge qu’elle, avec un fort accent maghrébin. Quelques mots d’arabe parsèment d’ailleurs ses phrases, saccadées, qu’elle appuie par des onomatopées pour garder l’attention de son amie.
On pourrait dire qu’elle est à la fois vêtue simplement et avec élaboration : un jean, un t-shirt simple avec quelques paillettes et la marque Guess inscrite en grand à l’avant, des lunettes d’un goût douteux dont là aussi le logo D&G est inscrit en très grand qu’elle tient sur ses genoux.
Elle est en effet assise à côté de son amie sur un siège d’une rame de la ligne 13 du métro parisien. Elle a eu cette chance, car en cette heure de pointe le métro est bondé. Si elle tient ses lunettes sur les genoux – avec difficulté car les secousses sont irrégulières lorsque le véhicule est en mouvement – c’est parce qu’elle s’applique, avec concentration, à se maquiller. Un rendez-vous ce soir ? Une fête ? Difficile à dire : elle n’est pas en tenue de soirée mais elle a quand-même fait un effort, c’est indéniable.
Et puis il y a ce maquillage, qu’elle applique avec obstination sur son visage dur. Ce maquillage rendu difficile, aléatoire et approximatif par les mouvements du train. Malgré son effort, elle reste aussi prise par sa discussion – ou plutôt son monologue car sa voisine se contente d’acquiescer – ce qui rend son application à se poudrer le visage encore plus difficile. Mais, fait tout à fait exceptionnel, elle y arrive tant bien que mal, même si le résultat pourrait rendre sceptique toute personne dotée d’un minimum de sens esthétique.
Elle semble néanmoins satisfaite du résultat, et j’entends dans le flot de ses paroles qu’elle parle d’un homme qui ne la mérite pas mais qu’elle va essayer de séduire tout de même, étant assez sûr d’elle tellement « il est faible ». Arrivé à Duroc, c’est à mon tour de sortir du métro. Elle y reste, entamant le contour de ses yeux durs et sévères.
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