L’Allemagne est devenue en quelques années la référence vers laquelle les autres gouvernements européens se sont tous mis à lorgner : belle croissance, chômage en chute libre, balance commerciale excédentaire, budget maîtrisé, taux d’intérêt très faibles, etc. Il semble que la crise ne touche pas nos voisins, qui font bien des envieux.
Pourtant, l’attitude de l’Allemagne pourrait bien se retourner contre elle à moyen terme. Son environnement, c’est l’Union Européenne, avec laquelle elle réalise la plus grande partie de ses exportations. Et si aujourd’hui elle est en excédent, c’est avant tout avec l’Europe. Elle joue en quelque sorte au niveau européen le rôle de producteur universel en inondant le vieux continent de ses produits. On mesure donc bien le risque d’une chute de la consommation liée aux politiques de rigueur qui se multiplient dans toute l’Europe. C’est pour cette raison que l’insistance de Mme Merkel à réclamer de telles politiques laisse circonspect.
L’Allemagne a en fait un rôle d’équilibriste : elle dépend de la bonne santé de ses voisins pour sa balance commerciale, mais bénéficie du marasme de ceux-ci en passant pour la valeur refuge vers laquelle se ruent les investisseurs en mal de placements sûrs, provoquant une chute des taux d’intérêts – récemment, l’Allemagne a même pu emprunter quelques milliards à un taux négatif ! Les raisons de cela sont qu’une partie de la croissance allemande est due à sa forte demande intérieure, elle-même assise sur une politique de déficit important : à titre de comparaison, les déficits primaires de l’Espagne et de l’Italie sont plus faibles. Une hausse rapide des taux d’intérêt de la dette allemande pourrait sonner le glas de cette situation et précipiter son explosion, et avec elle celle de toute l’Europe.
La Chancelière Angela Merkel souffle donc le chaud et le froid depuis le début de la crise : si une crise longue mais légère est bénéfique pour l’Allemagne, un effondrement de la zone serait une catastrophe pour elle. C’est comme si elle s’efforçait de maintenir ses voisins sous assistance respiratoire en espérant que le statu quo dure le plus longtemps possible. Ce jeu est très dangereux et intenable à long terme. Un pays n’a jamais sucé la moelle de ses voisins très longtemps sans engendrer de conséquences très néfastes et durables. En cela, l’analogie avec Bismarck n’était pas si scandaleuse…
1 réponse to “À quel jeu joue l’Allemagne ?”
19 janvier 2012
DavidLimpide !
J’en conclue que la position d’A. Merkel est logique et que ça veut donc aussi que l’Allemagne a un problème de déficit. C’est ça ?
L’Allemagne doit aussi jouer à l’équilibriste au niveau national pour résorber son déficit, sans perdre en dynamisme (basé sur son déficit) et sans risquer d’affoler les indicateurs économiques standards (chômage, croissance et balance commerciale). Et il faut qu’elle le fasse plus rapidement que les autres pays européens si elle veut garder la même aura.