Lorsqu’on est au pouvoir depuis dix ans, et que la situation sociale, financière et économique est catastrophique, on a deux possibilités : soit concentrer sa campagne sur d’autres sujets, soit faire quelques tours de passe-passe avec la vérité et se contenter d’approximations, voire de mensonges.
D’ailleurs, il n’est même pas nécessaire d’être le dos au mur pour mentir en public : c’est une stratégie tellement plus facile et efficace que d’essayer de défendre quelque chose de trop compliqué. Cette tactique du mensonge comme argument politique est ancienne. Elle a été très utile à Adolf Hitler : « un mensonge répété dix fois reste un mensonge ; répété mille fois il devient une vérité » et Tirso de Molina pensait déjà en son temps que « il n’est rien de plus profitable qu’un mensonge habile ».
Face à une caméra, lors d’un débat ou d’une interview, l’échange est tellement rapide qu’il est très difficile de vérifier une affirmation. Il suffit donc à un des deux interlocuteurs d’affirmer, l’air convaincu, une contre-vérité, pour marquer un point. L’adversaire ou l’interviewer n’aura qu’une alternative : soit asséner qu’il s’agit d’un mensonge sans être en mesure de le prouver, soit accepter l’affirmation et tenter de rebondir dessus.
Cela tient certainement de la nature même de notre système judiciaire : il implique qu’un accusateur doive présenter des preuves pour que l’accusation soit recevable. La présomption d’innocence est du côté de la défense. Pour faire passer le contradicteur d’innocent à coupable de mensonge, il faut donc apporter la preuve de l’artifice : très difficile voire impossible en quelques secondes.
Alors, le mensonge proféré lors d’un débat télévisé pourra toujours être dénoncé le lendemain dans la presse ou sur Internet, le mal aura été fait, car le menteur aura pris l’ascendant et sera passé pour celui qui a le plus d’assurance.
La stratégie de mensonge ultime est celle utilisée par Nicolas Sarkozy lors de son dernier passage télévisé : ne pas donner de contrevérités indiscutables, mais des approximations, ou des absences de précisions. On donne un chiffre qui est vrai dans un certain contexte mais pas dans celui qui est sous-entendu. Ainsi, même après, aucun contradicteur ne pourra dire qu’il s’agit formellement d’une erreur.
Sarkozy sera un candidat redoutable.
Photo : SIPA
4 Responses to “La défaite de la vérité”
31 octobre 2011
Jeff RenaultSarkozy a été, est et sera en effet un redoutable candidat. C’est même là qu’il excelle. À défaut d’engranger des résultats, il sait aligner les victoires. J’avais moi aussi souligné ce point dans ce billet.
Bonne mise à l’index des mensonges et approximations que se permettent les hommes politiques, et le support de rêve que leur procurent la télévision et ses journalistes.
31 octobre 2011
gagarstloui Jeff : support de rêve. La politesse est anti-démocratique. Les journalistes devraient être là pour interrompre, et exiger des précisions. Ce qu’ils ne font jamais. Jamais. Ne plus regarder la télé, c’est la seule solution.
31 octobre 2011
Jeff RenaultOui, c’est une excellente solution. D’ailleurs, je n’avais pas regardé le SarkoShow 🙂
15 novembre 2011
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